Les néonicotinoïdes ont été créés en 1985 par deux géants de l’industrie phytosanitaire, Bayer et BASF. Leur utilisation en France a débuté dès 1991, avec l’autorisation de la mise sur le marché du Gaucho, un puissant insecticide contenant un néonicotinoïde. C'est une substance phytosanitaire qui a un mode d'action systémique, c'est-à-dire qu'elle enrobe la graine avant d'être semée et pénêtre ainsi dans les tissus végétaux, se distinguant des insecticides "par contact" et "translaminaires". De cette manière, les néonicotinoïdes permettent de lutter contre les insectes ravageurs en agissant sur leur système nerveux central toute l'année, et non pas seulement à leur saison d'action. Leur emploi prophylactique, c'est-à-dire prévenant la maladie et les potentiels dangers, permet donc une protection efficace des cultures.
Sept ans plus tard naît la controverse sur l’utilisation de ces néonicotinoïdes, avec la première manifestation d’apiculteurs à Paris en 1998. Cependant, il n’y a pas de consensus concernant les néonicotinoïdes au sein, premièrement, de la communauté agricole.
Deux visions s’y opposent sensiblement :
Ainsi, les néonicotinoïdes apparaissent comme étant un pharmakon, concept notamment développé par Bernard Stiegler. Basé sur les travaux de Jacques Derrida et de Platon, Stiegler définit le pharmakon comme étant à la fois le remède et le poison, sans pour autant être neutre. Ici, les néonicotinoïdes semblent être un remède pour les betteraviers et leurs cultures, alors qu’ils sont poison pour les apiculteurs et les pollinisateurs.
La frise chronologique ci-dessus met en évidence l'accélération de la controverse au fil des années et au rythme des rapports scientifiques. On remarque que les néonicotinoïdes divisent encore aujourd'hui : un consensus dans le champ politique semble difficile à trouver. En effet, après une première interdiction de trois néonicotinoïdes en septembre 2018, le conseil constitutionnel a finalement voté la levée de cette interdiction fin 2020.
Nous avons donc décidé de concentrer notre étude sur ce "retour en arrière" pour les organisations environnementales et apiculteurs. Notre problématique sera donc la suivante :
Quelles réactions et interactions la loi d'octobre 2020 a-t-elle suscité de la part des différents acteurs et dans les différents lieux de débat ?
Par la première approche, nous souhaitons comprendre comment s'articule le débat et ses arguments sur une plateforme de vidéos grand public. Il en ressortira une forme d'invisibilisation du débat. Cette dernière est liée au peu de contenu disponible, à la sélection des vidéos populaires dont le caractère militant influe sur les commentaires, et enfin au nombre important de trolls dans cet espace.
L'étude des échanges sur twitter, plateforme réputée plus "sérieuse" que YouTube, ambitionner également au départ d'observer un dissensus au sein de la société civile. Cependant, la majorité de la population de twitter a semblé s'opposer à l'utilisation des néonicotinoïdes. Nous avons donc décidé d'orienter cette deuxième aspiration sur de la chronologie des réactions, liée à la frise chronologique présente sur la page actuelle, et sur la répartition des acteurs de manière géographique et politique. Nous pourrons ainsi comparer la récente réaction qu'a suscitée la loi d'octobre 2020 aux anciennes en analysant leur fréquence de publication. Dans un dernier temps sur cette aspiration, nous effectuerons une analyse textuelle supplémentaire pour comparer les termes du débat dans différents espaces de discussion.
Enfin, après avoir cerné comment s'articulent les débats dans l'espace public, l'objectif est de comprendre de quelle manière la décision de réintroduire les néonicotinoïdes a été arbitrée au sein du conseil constitutionnel. Pour cela, nous allons aspirer les votes des membres afin d'observer les disparités et les oppositions entre et au-sein des partis.